Cipriani Franceschi a écrit : ↑24 mai 2019 23:29
comme il a été dit précédemment, de l'espionnage en temps de guerre peut aboutir à une exécution de l'espion...
Article 2 du titre IV du code pénal militaire du 21 brumaire an V :
« Tout individu, quels que soient son état, qualité ou profession, convaincu d'espionnage pour l'ennemi, sera puni de mort. »
Il y a quelques années j'avais écrit ce petit post sur Chateaubriand :
La mission d’Armand de Chateaubriand devait remplir un triple but :
-obtenir des renseignements sur la garnison et l’état d’esprit dans la capitale.
-obtenir des renseignements d’ordre militaire sur les ports de Brest, Lorient ou Saint-Malo.
-s’affilier des marins de la région de Saint-Cast dans la but d’assurer la communication avec Jersey.
Châteaubriant quitta Guernesey le 25 septembre et débarqua le soir même à proximité de Saint-Cast, avant de venir se réfugier au manoir d’une connaissance de longue date Marie-Joseph Delaunay Boisé-Lucas où le fils, Maximilien-François, accepta de se rendre à Paris afin de servir d’agent. Ce dernier servit également d’intermédiaire pour mettre en lien Armand et l’ancien officier de marine Armand-Mathurin Gouyon de Vaurouault dans le dessein d’assurer la mission brestoise.
Les deux agents de ChateauBriand partirent le 1er octobre. Boisé-Lucas arriva à Paris le 7 où, conformément aux ordres reçus par Chateaubriand, il entra en contact avec le professeur de lycée Laya, l’abbé Sicard et l’avocat Caille afin d’établir une correspondance, puis s’attacha à sonder l’opinion publique. Vingt jours plus tard, à son retour au manoir familial, Maximilien refusa pourtant de poursuivre dans la conspiration, avouant briguer une place d’auditeur au Conseil d’Etat. C’est ainsi qu’il fila ensuite sur Rennes afin d’y continuer ses études de droit.
Durant le voyage parisien, faute de lier contact avec la goélette chargée d’assurer son retour, Armand avait tenté sans succès de rejoindre les îles anglo-normandes. Cependant la rumeur concernant sa présence dans les environs se propageant, il dut lui-même organiser son départ. Ainsi, le 9 novembre, les rapports de Boisé-Lucas et Gouyon de Vaurouault en poche, il réussissait à s’embarquer sur la bateau de Jean Chauvel, aubergiste à Saint-Cast. Cependant, la tempête le força de reprendre la route des côtes de France et à se réfugier à nouveau chez M. Boisé-Lucas.
Soupçonné, Chauvel était arrêté par les douaniers le 2 janvier suivant. Mais peu de temps auparavant, il était rentré en contact avec un marin dénommé Mathurin Depagne afin de tenter une nouvelle traversée. Ce fut ce dernier qui se présenta devant Chateaubriand quelques jours plus tard. Tous deux prirent la mer dans la nuit du 6 au 7, mais, encore une fois, les flots rejetèrent le navire sur le littoral français. Le 9 au matin, alors que les papiers compromettant avaient été jetés à la mer, Chateaubriand et Depagne accostèrent près de Coutances. Arrêtés par la douane, les deux hommes furent emprisonnés afin d’être interrogés. Cependant, la Manche ne tarda pas à recracher sur la côte les documents jetés dans les flots. Alerté, le préfet de la Manche, Costaz avertit Fouché et dépêcha à Coutances un gendarme pour mettre la main sur les deux mystérieux individus se prétendant de Jersey et pris dernièrement par les douaniers.
Chateaubriand fut immédiatement transféré à Saint-Lo où il fut finalement identifié puis envoyé à la prison parisienne de la Force où il arrivait le 28 janvier. Les autres membres de la conspiration, M. Boisé-Lucas, son fils Maximilien et Gouyon de Vaurouaut, ne tardèrent pas alors à être arrêtés. On leur ajouta Jean-François-Michel Quintal, un émigré qui avait été pris près de Saint-Cast le 15 décembre dernier alors qu’il tentait de reprendre contact avec Chateaubriand. Tous les six (n’oublions pas Chauvel et Depagne) furent incarcérés à Morlaix pendant que l’instruction concernant Chateaubriand se poursuivait dans la capitale.
Celui-ci était interrogé par Fouché le 6 février. Neuf jours plus tard, ce dernier demandait à l’Empereur le renvoi de sept prisonniers devant une commission militaire pour espionnage et complicité d’espionnage. Cette commission était finalement créée sous la présidence du général Hulin par le décret impérial du 25 février. Ordre fut alors donné d’amener les six autres conspirateurs restés en Bretagne. Ils arrivèrent à la prison de l’Abbaye le 7 mars.
Le 29 du même mois, les sept accusés comparaissaient devant la commission militaire. Chateaubriand, Boisé-Lucas fils, Quintal et Gouyon de Vaurouault étaient condamnés à mort, Boisé-Lucas père acquitté du crime de complicité d’espionnage, renvoyé devant les juges compétents pour recel d’émigré (il fut ensuite remis en liberté), et Chauvel et Depagne condamnés respectivement à un an et six mois de prison.
Les exécutions eurent lieu le 31.
Le jeune Boisé-Lucas vit finalement sa peine commuée en deux années de prison.
" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)