Marc Renneville, Crime et folie. Deux siècles d'enquêtes médicales et judiciaires, Paris, Fayard, 2003, pp. 65-67.Pour le médecin François Joseph Gall (1758-1828), les penchants, les qualités morales et les facultés intellectuelles de l'homme sont innés et l'exercice des facultés psychiques dépend de la constitution physique de l'individu. Organe de tous les penchants, de toutes les qualités et de toutes les facultés, le cerveau possède autant de divisions fonctionnelles que de facultés psychologiques. La force d'une faculté particulière est proportionnelle au volume de son siège physique. Gall distingue 27 forces primitives. Parmi celles-ci, le penchant au meurtre. Gall ne manque pas d'exemples de personnes dont les actes signalent un organe du meurtre très développé : Caligula, Néron, Scylla, Septime-Sévère, Charles IX, Richard Coeur de Lion, Philippe II d'Espagne, Marie Ire d'Angleterre, Catherine de Médicis, Ravaillac, le corsaire Storzenbecker, etc.
Napoléon Ier, qui n'apprécie guère la phrénologie, est lui aussi cité, mais par une périphrase : "conduire à la boucherie, tous les ans, la fleur de la jeunesse de son malheureux pays, dépeupler des provinces entières, faire périr des millions de ses semblables, anénatir l'opulence et le bonheur domestique des nations : tout ceci n'est rien pour lui pourvu qu'il ait la gloire d'être nommé le plus grand capitaine du monde". On perçoit bien à cet énoncé le potentiel subversif de cette nouvelle science qui ignore la frontière juridico-morale séparant le meurtre légal et illégal.
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 17/04/2004 19:30