Diverses personnes se sont opposées à Napoléon : complots, soulèvements populaires, opposition politique, écrits factieux...
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Frédéric Staps
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Fra Diavolo

Message par Frédéric Staps » mer. 06 sept. 2023 22:49

Michele Pezza (1771-1806), né à Itri sur les limites de l'Etat ecclésiastique et du royaume de Naples, était issu d'une famille de petits marchands d'huile d'olive. Une jeunesse orageuse l'avait conduit dans les rangs de l'armée napolitaine vaincue et lors de la dispersion de cette armée il avait rejoint les rangs de la révolte. Devenu en 1799 l'un des plus redoutables chef des masse (troupes populaires), il avait été promu général par le roi Ferdinand IV.
En 1806, le royaume de Naples étant attribué à Joseph Bonaparte, les soulèvements paysans resurgirent contre les troupes françaises qui quadrillaient les provinces. Michele Pezza, envoyé de Sicile, animer les résistances dans les Abruzzes, fut fait prisonnier par le général Hugo, père de l'écrivain. Il fut pendu à Naples comme "brigand", selon la criminalisation habituelle des résistances contre-révolutionnaires (novembre 1806). Il est passé à une postérité romanesque et trompeuse sous son surnom de Fra Diavolo ; sa légende est d'autant plus fameuse qu'elle fut portée en opéra-comique par Daniel Auber, à Paris, en janvier 1830, et que cette oeuvre pleine de verve poursuit encore aujourd'hui sa plaisante fortune. En fait, Pezza combattait sous l'uniforme régulier de l'armée napolitaine et le roi de Naples fit en effet célébrer une messe de requiem à sa mémoire dans la cathédrale de Palerme. C'est le dénigrement de la propagande française (rien moins que Hugo et Dumas) qui s'est imposé. Dans cet exemple, le travestissement des faits, des individus et de leurs significations politique est très remarquable. Il correspond à la condamnation mémorielle de ce type d'événements. Comme la révolte de la Vendée, la marche de la Santa Fede a été pendant deux cents ans déformée et honnie ou bien totalement effacée par l'histoire italienne officielle. Les deux épisodes s'opposaient évidemment à l'imagerie commune, où les révolutions sont nécessaires, populaires et vertueuses et les paysanneries ignorantes et aveuglées par la religion.
Yves-Marie BERCE, "Les marches des campagnards contre les cités", La violence au village XVIe-XIXe siècle, Paris, 2022, pp.75-76.
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? »

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