Il me paraît intéressant d'examiner cette réponse.
Ce préambule surprend. Quelles sont ces mesures impopulaires prises par Napoléon ? Ce n'est pas d'habitude ce qu'on lui reproche. Il est donc étrange de commencer par une telle affirmation en l'assortissant d'une considération aussi générale que de dire que "tout chef d'Etat" est amené à prendre des mesures impopulaires. Les mesures impopulaires peuvent être d'une nature profondément différentes l'une de l'autre, une des mesures les plus impopulaires mais parfois souvent inévitables est l'accroissement des impôts pour résoudre les problèmes budgétaires du pays. Or, justement, ce n'est pas cette mesure ô combien impopulaire que Napoléon a prise puisque pour résoudre ce problème, il est allé puiser dans la caisse des pays voisins après les avoir battus à la guerre. Mesure populaire donc mais qui lui vaut en partie cette réputation de "sanguinaire".Napoléon a, comme tout chef d'Etat, pris des mesures impopulaires.
Encore une généralisation. Napoléon agit comme chaque homme.Comme chaque homme, il avait ses défauts et a commis des erreurs.

Cela laisse quand même entendre que l'intention d'encenser est présente, même si elle n'est pas démesurée.Loin de moi l'idée de l'encenser démesurément.

Même assorti du qualificatif d'éclairé, un despote éclairé reste un despote, c'est-à-dire selon le dictionnaire Robert un "souverain qui gouverne avec une autorité arbitraire et absolue".Mais peut-on le considérer comme un despote (sans même ajouter "éclairé"!).
Cette définition s'applique-t-elle à Napoléon ? A choisir, le terme de "dictateur", à savoir, "celui, qui après s'être emparé du pouvoir, l'exerce sans contrôle", lui convient mieux. Le terme "arbitraire" pour qualifier l'autorité du despote me paraît plus flou, car il peut être compris dans deux sens légèrement différent : soit ce "qui dépend de la seule volonté, n'est pas lié par l'observation des règles", soit "qui dépend du bon plaisir, du caprice de quelqu'un". Or justement dans le cas des despotes éclairés dans la tradition desquels Napoléon se situe, même si le "despote" gouverne selon ses choix, il se soumet quand même aux lumières de la raison dont il entend répandre les bienfaits pour son peuple. On peut évidemment se dire que cette soumission aux règles de la raison est toute relative et que le despote ne les accepte que pour autant que cela l'arrange. Il n'empêche, le terme de despote n'est pas le meilleur pour qualifier Napoléon.
Il doit y avoir une erreur dans le texte à ce niveau. Il faut lire "1799" et non "1789". Cette coquille s'est peut-être glissée dans le journal ou dans la retranscription que Lukian54 en a faite sur le forum Napoléon 1er.Il a renversé la République ! ! Oui, mais qu'était cette République en 1789 ?
Ici, Thierry Choffat reproduit une vision caricaturale du Directoire, fabriquée en partie par Napoléon lui-même pour justifier sa prise de pouvoir. En opposant la République de 1799 aux idéaux de 1789, il oublie d'ailleurs qu'en 1789, la France n'était nullement une république, mais continuait à être une monarchie qui évoluait vers une forme constitutionnelle. Les idéaux de 1789 qui auraient été perdus en 1799 relèvent en grande partie du mythe. En 1799, la France n'était sans doute pas plus mal en point qu'au moment des flambées de violence de 1789-1790 ou des excès de la Terreur en 1793.Un régime chancelant, aux mains d'une poignée d'affairistes , non démocratique (qui inversait les résultats des élections ou les cassait par la force), qui n'avait plus rien à voir avec les idéaux de 1789.
Il a ambitionné d'en faire un régime héréditaire. Cela n'a guère eu de conséquences sinon de lui faire contracter un mariage par lequel il s'est coupé définitivement des idées de la Révolution.Son régime était héréditaire ?
Bien pauvre argument. Car c'est en partie inexacte. On peut citer quelques exemples d'Etats qui sous l'Ancien Régime n'était pas à proprement parler des monarchies : la Principauté de Liège par exemple avait à sa tête l'évêque de Liége et par ce fait même ne pouvait être une monarchie héréditaire. C'était néanmoins une principauté, j'en conviens. Il existait néanmoins également deux républiques en Europe : la république des Provinces-Unies et la république de Venise. Napoléon est d'ailleurs en partie responsable de leur disparition ou de leur transformation en monarchie puisqu'il cèda Venise à l'Autriche après l'avoir envahie et qu'il transforma la république batave en un royaume de Hollande au profit de son frère Louis avant de l'intégrer parmi les départements français. On peut aussi ajouter que la Confédération helvétique a échappé à la transformation en monarchie. Napoléon n'avait donc aucune obligation de devenir le monarque des Français.Comment aurait-il pu en être autrement alors que l'ensemble de l'Europe est monarchique ?
Voilà une affirmation bien hâtive et péremptoire. Affirmer que les Belges notamment sont "tous beaucoup plus napoléoniens que les Français" est même parfaitement fantaisiste. La majorité des Belges sont en fait indifférents à Napoléon. Et quand bien même ce serait vrai, cela traduirait surtout une certaine méconnaissance de la réalité, car Napoléon n'a libéré ni les Belges, ni les Italiens, ni les Polonais.Souvenons-nous que napoléon reste le "héros libérateur" pour nombre de peuples européens (Polonais, Italiens, Belges . . .) qui sont tous beaucoup plus napoléoniens que les Français.

Il faudrait sans doute faire une plus nette différence entre les armées de la Révolution et celles de l'Empire. Quant à la légende qu'il n'y aurait pas eu de guerres sans l'argent anglais, il serait temps d'arrêter de la répéter pour enfin examiner la réalité de manière non polémique.Pourquoi ? Parce que les armées de la Révolution et de l'Empire ne combattaient pas les nations mais les rois à la solde de l'Angleterre et des pouvoirs d'anciens régimes.
Cela paraissait sans doute vrai au début. Cela a toutefois cessé de paraître tel et ce sont bien les nations soulevées contre le joug trop pesant de la domination française qui ont fini par le vaincre et non les souverains de ces nations.Parce que les Français y semèrent les idées de liberté, de fraternité, y installaient des institutions et des droits (le code civil par exemple) calqués sur ceux de la France.
Point faible, mais aussi ce qui est véritablement à la base pour l'admiration de Napoléon et aussi à la base de son pouvoir. Sans la guerre, Napoléon ne serait jamais devenu empereur. Sans ses victoires, on ne l'admirerait pas comme on l'admire.Les guerres sont, il faut l'avouer, un point faible de l'épopée napoléonienne.
C'est oublier bien vite que c'est la Révolution qui a pris l'initiative de l'offensive, donnant ainsi prétexte aux voisins qui effectivement ne lui étaient guère favorables d'entrer en guerre. Il faut aussi rappeler qu'un des souverains le plus violemment hostile aux idées de la Révolution était le tsar Paul Ier, ce qui ne l'empêcha pas de conclure une alliance avec Napoléon. L'idée de guerres contre Napoléon pour combattre les idées de la Révolution est donc à ranger elle aussi au nombre des légendes créée également en partie par Napoléon lui-même.Mais outre qu'elles ne sont que la continuité de celles de la Révolution, et donc d'un système que ne peuvent supporter nos voisins, elles ne sont pour la quasi-totalité, que des guerres défensives.
Et encore une autre légende : Napoléon aurait créé les universités. Etrange quand on sait que Thomas d'Aquin a enseigné à l'université de Paris au XIIIe siècle.Enfin, l'oeuvre civile est encore bien présente deux siècles après : Code Civil, conseil d'Etat, lycées, cour des comptes, préfets, universités, Banque de France , etc... .
Du point de vue économique, l'Empire n'a été un âge d'or que tant qu'il pouvait mettre à contribution ses voisins et même ces pratiques peu loyales ne l'ont pas empêchée de connaître une crise économique sévère en 1810-1811.L'Empire a été, pour la France, un âge d'or, politique, civil, juridique, économique et administratif.
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 08/01/2005 14:43