Le biographe commente un passage du script qui évoque ce sous-texte global du film, que Leone décrivait, dans la première citation de cet article, comme la naissance d’une grande nation paradoxalement évoquée à travers la mort de plusieurs personnages : « [Au moment où ils s’apprêtent enfin à aller s’affronter en duel, on a un dialogue très important entre Bronson et Fonda sur l’ancienne race de héros que le chemin de fer va évincer de l’Ouest. Une nostalgie profonde pour les héros de l’Ouest, les vieux westerns, une nostalgie pour les films qui ont marqué Leone enfant. En fait, cela se base indirectement sur une réplique du roman de Lampedusa, Le Guépard, où le prince de Sicile, Don Fabrizio, déclare : « Nous étions les lions, les guépards, les grandes figures héroïques, il n’y a plus de place pour nous dans ce monde de petites gens, de technologie et de capitalisme. Les héros n’ont plus leur place. » En d’autres termes, on retrouve ce dialogue entre Frank et L’Harmonica. Mais ils comprennent que tout le reste était peu important. Il faut qu’ils règlent leurs comptes. (…) Frank, tout au long du film, tentait de devenir un homme d’affaires. Il sait désormais qu’il ne peut en être un. Il demeure un homme qui règle ses comptes en abattant des gens. Il sait qu’il n’a pas sa place dans le monde moderne. »
Le dialogue en question, tel que retranscrit dans les sous-titres français [Harmonica commence] :
« _Je savais que tu viendrais.
_ Un jour, Morton m’a dit que je serais jamais comme lui. Maintenant je comprends pourquoi. Ça l’aurait pas dérangé de te savoir en vie quelque part.
_ Alors tu as découvert que tu n’étais pas un homme d’affaires ?
_Juste un homme.
_Une race ancienne. D’autres Morton arriveront qui l’éradiqueront.
_L’avenir n’a pas d’importance pour nous. Plus rien n’a d’importance. Ni la terre, ni l’argent, ni la femme. Je suis venu te voir. Car je sais que tu vas me dire ce que tu veux.
_Seulement dans mon dernier souffle.
_Je sais. »
Napoléon n'est-il pas aussi un homme de l'ancienne race ? un gréco romain , un Thémistocle qui se rend à son ennemi Perse ? sur le Bellerophon
